Quatre questions sur le Made in France

27 novembre 2021 Par Philippe MAUXION Non

Quatre questions sur le Made in France | Les Echos

Le « Made in France », devenu un thème de la campagne présidentielle, est d’abord un défi pour l’économie, la souveraineté, et la réduction des émissions de CO2. Que pèse-t-il dans la consommation des ménages et quels secteurs sont les plus dépendants des importations étrangères ? Tour d’horizon.

Par Pauline Verge LES ECHOS.FR

Plus de 800 entreprises actrices du « Made in France », mais aussi quelques politiques, s’apprêtent à investir le Parc des Expositions de Paris qui a ouvert ses portes jeudi. Alors que la pandémie a mis sous le feu des projecteurs la dépendance de la France aux importations étrangères, le salon « MIF Expo » doit leur permettre de vanter auprès des consommateurs les mérites des produits français.

Une lourde tâche, lorsqu’on sait que la part de biens fabriqués en France dans les ventes totales de produits manufacturés est particulièrement faible.

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A quoi correspond cette appellation ?

Réglementé par la Direction générale des entreprises selon les règles d’origine non préférentielle fixées par l’Union européenne, le marquage « made in France » permet d’attester de la fabrication française, totale ou partielle, d’un produit. Il n’est pas obligatoire et repose sur le volontariat des marques qui souhaitent mettre en avant le savoir-faire tricolore dont bénéficient leurs produits.

Pour l’utiliser, les marques doivent respecter certains critères qui varient selon la nature du produit concerné. De manière générale, c’est le lieu de la dernière transformation substantielle du produit qui est pris en compte. Selon les cas, il peut s’agir d’un changement de position de tarifaire douanier (par exemple l’assemblage des composants d’une voiture), de la création d’environ 45 % de la valeur ajoutée, ou encore d’un critère d’ouvraison spécifique (pour un t-shirt, le tissu doit être fabriqué en France : le seul flocage n’est pas suffisant).

D’autres labels privés coexistent avec le marquage « made in France », et imposent aux marques qui souhaitent les porter de respecter un cahier des charges bien défini. Parmi eux, « Origine France garantie » et « France Terre textile ».

Que pèse le Made in France dans la consommation des ménages ?

Le « Made in France » représentait en 2019 quelque 81 % de la consommation des ménages, selon les calculs de l’Insee. Mais derrière ce chiffre se cache une très grande disparité entre les types de produits. Si les produits français pèsent lourd dans le secteur de l’agroalimentaire par exemple, ils sont très largement minoritaires pour les produits fabriqués et manufacturés.

Selon les estimations de la Fédération indépendante du Made in France (FIMIF), fondées sur les chiffres fournis par les différentes fédérations sectorielles, la part de produits Made in France pèse par exemple pour 3 % des vêtements et des bijoux vendus en France, 5 % des jouets, et 1 % de l’horlogerie. Seuls l’automobile et les produits d’entretien tirent leur épingle du jeu, dont respectivement 20 % et 30 % sont fabriqués dans l’Hexagone.

Des pourcentages particulièrement faibles, qui s’expliquent par « les nombreuses délocalisations qu’ont observé tous les secteurs depuis plusieurs décennies », observe Vincent Stoklischsky. Selon le secrétaire de la FIMIF, la France est toutefois « dans le creux de la vague ».

« On commence à observer un regain d’intérêt pour le made in France de la part des consommateurs, qui se traduit par des marques et des filières qui se relancent », détaille-t-il. Et de citer en exemple des enseignes comme Le slip français, la marque de jeans 1083, ou encore la restructuration de la filière du lin , encore largement transformé en Chine après avoir été produit en France ou en Europe.

Comment son utilisation est-elle contrôlée ?

Une marque qui souhaite apposer l’inscription « fabriqué en France » ou « made in France » sur ses produits n’a aucune démarche particulière à réaliser et doit seulement veiller de respecter les critères concernés. Pour s’en assurer, elle a la possibilité de demander à la Direction générale des douanes et droits indirects si elle est éligible, en remplissant un formulaire spécifique dans lequel elle détaille ses étapes et lieux de fabrication. Mais cette étape est facultative.

Sans attribution officielle, le marquage made in France fait parfois l’objet d’utilisations abusives. L’étiquetage des produits commercialisés qui utilisent ce marquage est contrôlé par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. En plus des fraudes, la FIMIF dénonce la « zone grise » que représentent les mentions dérivées telles que « conçu en France » ou encore « désigné en France ».

« Ces pratiques induisent les consommateurs en erreur et représentent une concurrence déloyale pour les fabricants français », souligne Vincent Stoklischsky, secrétaire de la Fédération. Chaque année, ces marquages abusifs représentent un manque à gagner d’environ 4,5 milliards d’euros pour les marques qui produisent réellement leurs produits en France, estime la Fédération.

Quels sont les enjeux du Made in France ?

Alors que l’exécutif a lancé avec France 2030 un plan d’investissement massif en grande partie destiné à soutenir la réindustrialisation française, l’enjeu du made in France est triple. Lors de l’inauguration de l’exposition « fabriqué en France » accueillie à l’Elysée au mois de juillet, Emmanuel Macron évoquait déjà « l’emploi qu’on recrée », mais aussi « la souveraineté et l’indépendance » et « l’écologie, en réduisant les émissions de carbone ».

Sur le volet environnemental, « même sans prendre en compte le transport, produire un kilo de textile en France émet moins de CO2 qu’en Chine compte tenu de notre mix énergétique », souligne par exemple Vincent Stoklischsky.